Musique Urbaine Béninoise : Analyse et recommandations


Voici un petit résumé de longues discussions avec les artistes béninois eux-mêmes, les artistes étrangers, les professionnels de la musique qui ont observé le showbiz béninois pendant ces dernières années. Ceci est donc à partager avec tous les acteurs de la musique urbaine et ouvre donc le débat de la réorganisation de notre showbiz pour le bonheur de tous ceux qui y travaillent et pour le rayonnement de notre culture sur le plan international. Ce n'est donc pas une pierre jetée contre quelqu’un mais plutôt un appel au sérieux de cette nouvelle génération qui semble y croire et changer les choses.

1- ETAT DES LIEUX :

La musique urbaine du Bénin est animée :

  • En majorité par un monde artistique certes talentueux, mais amateurs, sans aucun staff de coaching, naviguant à vue et adorant le plagiat, non travailleurs et non créatif coté thématique des compositions.
  • D’une moyenne de quatre (04) concerts par an dont chacun est coiffé en tète d’affiche par des artistes guests internationaux suivi de quelques artistes nationaux en vogue.
  • D’une moyenne de deux (02) sorties d’album par an et de plusieurs sortie de singles dont la grande majorité, sans vidéo clip, est diffusée sur internet.
  • Par des statistiques inconnues des ventes d’albums et de singles, statistiques inconnues sur les spectacles (nombre de tickets vendus, nombre de spectateurs) de spectacles et concerts toujours amateurs dont la plupart sont des playback (sans balance à l’avance) avec une qualité de son qui laisse à désirer.
  • Un public qui désavoue complètement ses artistes, qui préfère acheter et écouter la musique venue d’ailleurs, mais 1er dans le téléchargement gratuit sur les sites internet du pays.
  • Par l’inexistence de distributeurs ou vendeurs professionnels de disques nationaux.
  • Par des promoteurs de spectacles qui ne mettent jamais ou très rarement les artistes béninois en tète d’affiche sur un concert parce que faisant pas confiance sur leur capacité a eux seuls de remplir les salles.
  • De chaines TV/Radios et DJ qui diffusent plus la musique urbaine étrangère que les musiques nationales.
  • Des coups bas entre personne qu’on range souvent sous le thème de la BENINOISERIE.
  • De beaucoup d’autres choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas revenir.

2- PART DE RESPONSABILITE.

Pour savoir sur quels boutons appuyer pour amorcer un changement, il va falloir identifier non seulement les responsables mais surtout leur part de responsabilité. Il ne s’agit pas ici d’incriminer qui que ce soit mais l’observation du problème a permis de doigter certains groupes plus que d’autres.

50% - DIFFUSEURS DE LA MUSIQUE : Il s’agit des chaines TV et Radio du Bénin et les DJ qui diffusent de la musique. C’est vraiment ce canal qui éduque les mélomanes et le public béninois. Et pendant longtemps les diffuseurs n’ont pas valorisé la musique urbaine béninoise ou l’ont moins valorisé que la musique étrangère (ivoirienne, congolaise et récemment nigériane). Leur part de responsabilité dans les dégâts est relevée à 50%.

20% - GESTIONNAIRE DES CARRIERES ARTISTIQUES : Il s’agit des Staff techniques constitué souvent de manager, de producteurs, de communicateurs, bloggeurs, bookers etc. et staff musicaux d’artistes composés souvent d’ingénieurs de son, d’arrangeur, de compositeurs, de coachs vocal etc.. Pendant une longue période les artistes de la musique urbaine béninoise ont connu des staffs amateurs, non formés, n’ayant aucune notion de bizness dans le show (showbiz), négligeant des paramètres précieux pour faire marcher un son comme le gout musical du public, la recherche musicale, les thèmes abordés, le contexte socio culturel du Bénin, et les B A BA des techniques musicales etc. Exemple : le producteur connaissant rien du métier de production , managers non formés, artistes voulant jouer tous les rôles en même temps c'est-à-dire producteur, éditeur, arrangeur, compositeur, etc….Beaucoup d’artistes talentueux ont vu leurs carrières écourtées parce que gérées par des amateurs champions dans l’improvisation. La part de responsabilité des gestionnaires de carrière est de 20%.

20% - ARTISTES : Les artistes de la musique urbaine au Bénin, dans leur grande majorité, n’ont aucune notion de recherche musicale, d’originalité. Ils préfèrent verser dans la facilité du plagiat. Ne maitrisant aucune notion de bizness, ni de communication, voulant toujours faire comme les autres, et souvent trop pressé de dévoiler leur œuvres incomplètes ou mal achevées. Ils n’ont pas le sens de l’autodidacte, la patience d’apprentissage, l’apprentissage de la théorie musicale et souvent négligeant les critiques des ainés et n’ont aucun respect pour les devanciers. Ils ne sont pas solidaires et se font souvent de vrais coups bas qui à la fin n’encouragent pas les collaborations (featuring) entre eux. La part de responsabilité des artistes eux mêmes dans l’état actuel de leur musique urbaine est de 20%.

10% - PARTENAIRES FINANCIERS : Il s’agit là des sponsors, des investisseurs ou toute autre personne qui apporte son soutien financier aux artistes en vue de les aider dans leur carrière. N’étant souvent pas convaincu soit par les productions des artistes, soit par l’environnement culturel béninois qui est douteux et ne rassure pas sur le retour sur investissement , ces partenaires financiers sont très peu portés à investir dans la musique urbaine béninoise. Pour ne pas se casser le nez, ils préfèrent encore donner et ne rien attendre en retour, seulement que dans ce cas le montant déboursé pour aider l’artiste ne suffit pas à développer sa carrière. La part de responsabilité des partenaires financiers dans l’état actuel de notre musique urbaine est de 10%. Et pour arriver à convaincre ces partenaires, il va falloir faire beaucoup d’effort.


3- RECOMMANDATIONS :

Les reformes dont on rêve doivent commencer au sein même des groupes indexés comme responsables. Voici les recommandations :

3.1- DIFFUSEURS DE LA MUSIQUE (Animateurs, diffuseurs tv et radio, dj): nous pensons que si les diffuseurs de la musique commencent par faire comme leurs collègues des autres pays, on va commencer à avoir de grand changement. Ils doivent constituer des centres de censure (qui analyse les morceaux selon des critères définis sur la qualité du son, la prestation artistique etc.. bref diffuser le diffusable) qui jugent les sons avant de les diffuser. La principale recommandation idéale ici est que Toutes les chaines TV et Radio du Benin diffuse que du Béninois. A défaut de faire cela, un quota de 80% de musique urbaine béninoise sur toutes les chaines TV et Radio béninoise et de 100% sur Les chaines nationales (ORTB radio et TV) suffirait. Ce travail devra être complété par les DJ qui doivent suivre cette tendance à raison de 60% au moins, de musique urbaine béninoise. Les diffuseurs diront peut être qu’il n'y aura pas assez d’artistes pour ca, c’est possible mais il n’y aura qu’à diffuser le peu d’artiste présents qui font du bon et les rediffuser tout le temps. Les moins bons dont les morceaux ne sont pas joués n’auront plus qu’à aller retravailler leur niveau. Le résultat escompté est que cela augmente la popularité et la célébrité de nos artistes qui pourront désormais être crédibles face aux promoteurs de spectacles qui pourront leurs créer des dates de tournées exclusives et aux investisseurs culturels qui seront plus flexibles à financer leur carrière. Cela ne veut pas dire que toute cette diffusion des medias et DJ sera faite gratuitement ! La promotion d’œuvres culturelles a un cout et les diffuseurs doivent être payés pour leurs boulots. Au cas où les diffuseurs n’auront pas de nouveaux clients, alors ils n'auront qu'à continuer à diffuser les anciens clients et ne jamais remplacer la diffusion de la musique de ces anciens clients par la diffusion de la musique étrangère (sous comme prétexte que c’est vieux). Le quota 80% de musique béninoise doit toujours prédominer même s’il n’y a pas de nouveauté.


3.2 GESTIONNAIRE DES CARRIERES ARTISTIQUES : Ceux-ci doivent aller à l’école de leur métier, autrement dit, ils doivent se faire former pour faire de ce métier un travail professionnel. Les managers doivent connaitre leur rôle et les différentes procédures; comment ça se joue dans les autres pays.

Les producteurs doivent acquérir des notions de communication, de marketing, de développement personnel pour leurs artistes, de développement de la carrière de leurs artistes, apprendre à saisir les opportunités musicales, quoi produire, pourquoi, où et comment, etc . Ils ne doivent jamais lésiner sur les dépenses visant à améliorer la compétence et la popularité de l’artiste; ils doivent s’imprégner vraiment du showbiz international afin de savoir quoi offrir, quoi vendre. Le métier de producteur ne s’apprend pas en entier dans une école mais on peut s’informer et apprendre à développer certains flairs.

Les blogueurs, les communicateurs, les bookers etc… à défaut de se faire former doivent s’informer et s’auto former sur ce qui se fait déjà de façon professionnelle dans le showbiz à travers les collaborations, les partenariats et autres correspondances à l’international quitte à maintenant de façon intelligente adapter l’application des connaissances acquises ici au Bénin. C’est pareil pour les arrangeurs, les compositeurs, les ingénieurs de sons etc…

Mindésè Group, une ONG béninoise fortement appuyée par un Cybearsonic Sarl, une société française, s’est engagée dans la formation des métiers de la musique depuis près de deux ans au Bénin. « L’école de l’artiste » sert donc de cadre de formation et d’information pour tout artiste et gestionnaire de carrière artistique qui veut en finir avec l’amateurisme.

Et tout le travail de ce monde marche sur des contrats signés pré établis entre les parties ou les intérêts sont clairement définis. Une fois que tout cela est bien clarifié, Organisez vous, faites bien votre boulot, visez plus loin et retenez toujours la leçon suivante : dans ce domaine, on travaille avant de manger et non le contraire.


3.3 ARTISTES : Les artistes doivent apprendre à offrir quelque chose de nouveau, de jamais vu. Ce n’est pas facile mais faudrait qu’ils y arrivent. Il y a des millions d’artistes dans le monde qui se battent pour s'en sortir. Votre marché, c’est d’abord le Bénin, ensuite la sous région , ensuite l’Afrique et ensuite le Monde entier. Ce qui nous rend particulier dans ce showbiz mondial est notre originalité qui est étroitement lié à notre identité culturelle. Tout ce que les artistes ont donc à faire est de puiser dans notre grande richesse culturelle (langues, argots, rythmes traditionnels, instruments traditionnels, cultures, cultes, etc…) pour être unique aux yeux du monde. (Dada Angelique Kidjo a déjà montré l’exemple). Le challenge est donc de mixer cette culture avec la musique urbaine moderne dans une approche innovante et intéressante. Ce qui est faisable quelque soit votre style musical (RNB, Ragga, Rap,trap, afrobeat/pop etc…). Et cela fait appel au sens d’observation et au sens d’analyse de vous, artistes, envers votre milieu et votre culture. Les artistes doivent donc beaucoup écouter la musique des autres et la musique de chez eux pour trouver comment mixer les deux. Ca s’appelle de la recherche musicale. Et cela demande beaucoup d’intelligence, beaucoup de reflection et beaucoup de culture générale.

A tout cela il faut y ajouter l’apprentissage des techniques d’égaiement sur scène, l’occupation et la maitrise scénique (danse, chorégraphie, performance vocale, etc..) l’apprentissage de la pratique du Live ou du semi live, l’apprentissage du solfège et pourquoi pas d’un instrument musical tradi ou moderne. Le travail de perfectionnement de son style, de son art, doit être maitre au jour le jour sans être pressé. Aussi l’artiste doit faire de chaque spectacle un vrai moment de divertissement en utilisant sa musique. Bref un rappeur doit retenir qu’il fait de la musique tout court comme tous les autres artistes. Il doit s’intégrer dans le mouvement musical et non se singulariser « artiste de musique urbaine, rappeur, etc. ». Il doit intégrer qu’il est le principal produit de l’industrie qui nourrit tout son staff et tout un autre monde ; donc pour ce faire il doit veiller à sa communication, à son comportement dans la société et surtout veiller à ne pas faire le travail du staff à sa place. Il doit être intègre et loyal envers son équipe.

Aussi l’artiste doit comprendre que le monde musical grandit grâce à l’entraide et aux collaborations. La musique est beaucoup plus intéressante quand elle se fait en groupe. Cette nouvelle génération de la musique urbaine béninoise doit laisser tomber la « béninoiserie » et se donner la main, et ne pas ignorer les conseils des ainés. C’est comme un rêve mais c’est faisable dès que vous intégrez le coté business de la musique. C’est possible d’aller sur des contrats gagnant - gagnant.


3.4 PARTNAIRES FINANCIERS : Nous pensons que si l’artiste est sérieux dans son boulot : fait une bonne musique (qui tient compte de ses origines et cultures) qui vend et fait connaitre son pays, maitrise l’art de la scène ou chacun de ses spectacles restes gravés dans les mémoires, possède un staff (producteurs, arrangeurs, ingénieurs de son, communicateurs, bookers etc…) professionnel qui fait bien le boulot, les partenaires financiers ne pourront pas lui résister. Les partenaires Financiers ou sponsors doivent comprendre que la musique urbaine béninoise a besoin de leur assistance financière pour voyager et se faire connaitre à l’extérieur. Elle a besoin de financement pour les voyages des artistes, les financements de la réalisation des albums audios et des videos, le développement des carrières, la promotion des œuvres etc.. , comme cela se fait déjà dans les autres pays comme le Nigeria, le Togo, la Cote d'ivoire , le Sénégal. Les partenaires financiers pourront exiger des staff de ces artistes des projets bien détaillés contenant un agenda de déroulement des activités, des plans de com, des plans de financement, la procédure de gestion des recettes, des plans de remboursement des prêts contractés etc..

Le contrat de confiance entre le financeur et le producteur permettra à la musique de grandir et de produire des fruits (rémunérations, cachets, honoraires, royalties, droits d’auteurs etc…) dont bénéficiera toute l’industrie musicale (faite de professionnels tourneurs, bookers, promoteurs, managers, producteurs, orchestres, communicateurs etc….) d’une part et le financeur d’autre part (retour sur investissement). Investir donc dans la musique urbaine, est comme investir dans n’importe quel entreprise.

Certains paramètres n'ont peut etre pas été pris en compte mais cet article est juste un compte rendu des nombreuses reflexions que j'ai eu et partagé avec des tiers; c'est ma pierre à l'édifice de l'amelioration du showbiz de mon pays. Le debat est lancé . Peace!!

  • Le plan de Dieu
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