La musique urbaine béninoise en quête d'une identité : du leurre au leurre (Extrait d'une chronique à paraître en Décembre 2015)


D'aucuns de plus en plus, se plaignent de l'habitude de la plupart de nos artistes à créer avec eux, chaque fois un concept, plutôt que œuvrer dans la continuité de ce qui était, où est déjà. Nombre parmi nous, parle d'égotisme pour justifier cette attitude, et d'autres, à tort, parlent de nombrilisme. Pour des langues acerbes, acides, cette phrase « tout le monde veut être chef ou président de quelque chose », conviendrait à restituer la floraison excessive de concepts ou de dérivés de concepts que nous avons chez nous. Et par suivisme argumentaire, ou par goût de l'auto-flagellation perpétuée, l'on pourrait se laisser convaincre par de tels préconçus. Or ce serait omettre la vérité socioculturelle, socio-psychologique. Ou tout simplement, l'avis populiste qui insiste à faire, chaque fois, du béninois, un être caractériel et à propension inédite.

Autrement exprimé, nous aimons au Bénin à façonner le béninois dans l’aspect de l’archi-inaccoutumé. Nous lui conférons presque l’obligation de se démarquer tout le temps. Si l’un fait, que tu reprends, c’est que tu n’es pas créatif ou que tu n’es qu’un copieur. « Wè dé sou a si blo n’dé a yé ? », voilà ce que nous avons depuis près de dix (10) ans, lancé à la face de nos artistes. Comme si danser du Gogohoun comme Macro Musica était outrageux pour soi-même. Comme si le fait de faire du Zékédé comme Bless Antonio était criminel, ou comme si faire du Noudjihoun de Willy Mignon était pareil à blasphémer contre sa propre intelligence, comme si changer de nom pour qu’il devienne aussi béninois que Séssimè relevait du parjure. Nous avons nourri cette tendance à conformer nos artistes à être dans l’absolu de ce qui est unique. On a fait du béninois, de l’artiste béninois surtout, une machine à être « un », « rare », « nouveau à chaque fois ». Et l’on s’étonne que ce soit devenu une habitude généralisée que chacun veuille s’identifier à travers cette ambition de l’inédit, quitte à copier le concept d’un autre et le rebaptiser.

En réalité, il n’est pas si vrai (même si avouons que ça l’est quand même !), que les béninois ne font pas les choses de chez eux. Mais en fait, "des", d’aucuns, font leur chez nous. Mais à chaque fois, ne font que renommer ce qu’ils font de chez nous, pour sembler particulier, différent, pour ne pas à subir la moquerie du « E tè si blo é dé sou ton a (Il ne peut pas faire pour lui même) ». C’est par ricochet ce qui abouti au fait que nous n’avons souvent pas un seul concept qui fait boom comme cela a été le cas au Togo, avec le Gweta. Parce que pour ce besoin de particularisme, on fini par ne pas avoir la force du nombre autour d’une même appellation de concept. Comme le Zékédé, comme le Noudjihoun, comme le Gogohoun. Regardons bien nos écrans. Nous avons tant de dérivés que si les noms avaient été en un seul sens, nous aurions entendu s’illustrer ces concepts depuis longtemps.

Ainsi, comme à travers la sous-région, la tendance s’est renversée, et que la réussite de leur concept a été effective parce qu’à l’interne les artistes se copiaient, s’appuyaient ; les mêmes qui injuriaient les béninois de ne faire que se copier entre eux, et de n’avoir aucune valeur apportée créative, changent désormais de discours. Volte-face. Ces mêmes prétendent que les béninois ne savent pas se soutenir ou pousser ce qui se fait déjà à l’interne. Comme quoi, la réalité s’est retournée contre nous-mêmes. Ça n’est pas surprenant que nous ayons été dirigés par le sceau du caméléon, tellement, nos avis muent selon les contextes. C’est en cela qu’il faudrait reconnaître, que c’est totalement hypocrite de prétendre que, c’est par désamour irrationnel et par manque de patriotisme que les nôtres ont du mal à adopter systématiquement ce qui est fait à l’interne. Il faut avouer en vérité, que le Bénin est devenu la propre victime de sa propre quête à l’inédit. Plutôt que insulter et jeter la pierre à nos artistes, il faut assumer les conséquences de nos actes d’antan. Et proposer une radicalité étatique pour améliorer la situation.

    

in Manifeste d'une musique urbaine en construction


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