Amagbégnon LPV - Kanflan ou l'analytique du drame…

Dans le contenu

C'est de ses premiers vers que s'exsude, l'ancrage au langage socioculturel africain. Et quand la flûte se fait entendre, s'engagent alors ses questionnements. Du coup, sur chaque ligne est dessiné un fil d'agissements frappants, voire même désolants, au point de nous intriguer. Ainsi, sa démarche serait celle de nous mener vers l'étonnement. Mais aussi, celle de nous amener à appréhender à quel point, le slameur lui-même est habité de troubles, face aux réalités paradoxales qu'il constate et relate. « Tcho ! Le mal est grand », s'interrompt-il à la quatrième minute vingt.

Or, il semblerait que, la préoccupation principale de l'artiste, reste son inquiétude sur le legs, sur la qualité de la transmission de l'ascendance africaine à la nouvelle génération.

En conséquence, son approche est dialogique : il se construit dans la rencontre entre « la nouvelle corde », que l'on a toujours flagellé de façon acerbe, en raison des caprices des uns ; et « l'ancienne » canonique, attachée à priori à la tradition, à la morale, à la mémoire, au respect des mœurs.

De ce fait, la permanente confrontation générationnelle, datant des premières années de rencontre de l'Afrique avec ce qui est dit être « la modernité », prend un tournant décisif. Car, à la place du silence coupable, qu'ont presque souvent endossé les jeunes, Amagbégnon Le Pouvoir du Verbe (LPV), propose la remise en cause des actes de nos aînés, de nos pères, de nos mères, de nos gouvernants, de nos prédécesseurs…

Amagbégnon LPV, retourne donc la lame du reproche contre ceux qui la brandissent tout le temps. Ne serait-ce pour cela qu'à la première minute vingt-huit, il déclame : « bizarrement vous êtes les premiers à traiter ma jeunesse d’une génération sèche sans foi et sans idéal ».
Il y a là un refus, un refus d’abord d'englobement, ou de renfermement de la jeunesse dans le strict regard de l'infect,parce que probablement pour l'artiste, ce type de généralisation apparaît comme un rejet. Ensuite, il y a ce refus d'influences, et de déresponsabilisation. Parce qu'à force d'accuser la jeunesse de ce qu'elle est, les « anciens » n'en n'omettent-ils pas qu'ils ont aussi leurs crasses à astiquer ?

Il n'est sans doute pas question de dédommagement (des jeunes), mais d'alerter ceux qui sont censés leur servir d’exemple ; ceux à partir qui, la couche juvénilevdevrait se définir. Or, nous sommes en Afrique. Comment dire à l’aîné le dérangeant qu’il reflète, sans prononcer la formule d’agenouillement, de déférence malgré tout, de contentement ? Celle qui doit atténuer le ton de la franchise. Celle qui doit permettre d’alléger la possible irritation de l’« aîné ».C’est pourquoi, un « Kanflan » s’impose, justifiant pleinement le titre de ce single qui fait se regarder soi-même.
Même si, par la suite (très souvent, dans le second couplet) l’ironie s’installe. L’ironie chorégraphie la colère. A travers des vérités qui donne à sourire et rire pour ne pas se trancher d’une saignée de soupirs. Puis, les castagnettes appuient. Le chœur chaleureux aussi. Et dans l’univers du slameur, toutes ces astuces s’alternent ainsi, l’un suivant l’autre, pour une analytique du drame générationnel.

Dans la forme

Bien que le "formuler", peut paraître différent, l’on dénote des traces d’intertextualités dans « Kanflan », faisant référence à des auteurs tels que Jean Pliya et Nazi Boni. Sous une forme explicite, un emprunt non déclaré, mais tout à fait pleine d'allusion, est remarquable, menant même à des remises en cause : « c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tresse la nouvelle, mais, comment pouvons-nous tresser cette dernière si, l’ancienne qui devrait servir de socle, est fissurée par le désir charnel ? »

C’est peut-être de cette façon que, Amagbégnon Le Pouvoir Du Verbe, essaie de nous rappeler, que le Slam, avant d’être genre musical, est le prolongement d’une littérature orale séculaire ; qui continue de se moderniser.

Par contre

La configuration de cette chanson (un couplet-un refrain-un couplet), nous fait croire qu’il aurait fallu un dernier refrain pour maintenir un équilibre. Et selon la chute du slameur, il aurait été gracieux d’entendre la voix qui l’accompagne, parce qu’en dehors des sourires glanés lors de l’écoute, il y a cette émotion transmise par le chant, qui nous laisse quelque chose à fredonner intérieurement, après l’écoute. Bien sûr, cela n’entache pas la performance accomplie.


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